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mardi 24 janvier 2012

Que serait devenue l'affaire "NESSMA TV" si elle avait été jugée en Europe ?

En finissant de lire les dernières lignes de la dernière version de la Charte Française de déontologiede la presse (2011), je n'ai pas pu m'empêcher de contempler cette phrase : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi. » Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (article XI). Source : Charte d’éthique professionnelle des journalistes (SNJ, 1918/38/2011).

Ce n'est pas un hasard que je m'interesse en ce moment précis à cette charte. En effet, tout l'encre qu'a fait couler l'affaire "Nessma TV", trainée en justice pour avoir diffusé un film d'animation "PERSEPOLIS" sur ses ondes, a éveillé en moi une petite curiosité : celle d'essayer de deviner ce qu'aurait advenu si tout ce sénario avait eu lieu dans un pays de l'Europe.



J'ai ainsi pu trouver des extraits de la loi Française sur la liberté de la presse liés à la chose . L'article 26 cite les dispositions légales suite à une offense contre la présidence de la république où la loi Française prévoit 1 an d'emprisonnement et une amende de 30.000 Euro.
L'article 27 du même texte stipule 3 ans d'emprisonnement et 30.000 Euro d'amende contre quiconque diffuse une matière intellectuelle suceptible de troubler la paix publique.
Devant ces deux articles, je me permets de me demander :
- Qu'aurait écrit le législateur Français pour une société de conception morale différente de la sienne, une société où la personification d'Allah est bien plus qu'une simple offense, une société pour qui le bon Dieu représente bien plus que ce que représente la présidence pour les valeurs de la "république" ?
- Un juge Français aurait-il jugé la diffusion dudit film de nature à troubler l'ordre publique ?


Article 26
(Ordonnance du 6 mai 1944 Journal Officiel du 20 mai 1944 rectificatif P. 418)

(Loi n° 56-1327 du 29 décembre 1956 art. 7 finances Journal Officiel du 10 décembre 1956 )

(Loi n° 72-546 du 1 juillet 1972 art. 2 Journal Officiel du 2 juillet 1972 )

(Loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 art. 322 Journal Officiel du 23 décembre 1992 en vigueur le 1er mars 1994)

L'offense au Président de la République par l'un des moyens énoncés dans l'article 23 est punie d'un an d'emprisonnement et de 300000 F d'amende , ou de l'une de ces deux peines seulement .

Les peines prévues à l'alinéa précédent sont applicables à l'offense à la personne qui exerce tout ou partie des prérogatives du Président de la République.

Article 27
(Ordonnance du 6 mai 1944 Journal Officiel du 20 mai 1944 rectificatif p. 418)

(Loi n° 56-1327 du 29 décembre 1956 art. 7 finances Journal Officiel du 30 décembre 1956 )

(Loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 art. 322 Journal Officiel du 23 décembre 1992 en vigueur le 1er mars 1994)

La publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler, sera punie de trois ans d'emprisonnement, et de 300000 F d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement .

Les mêmes faits seront punis de cinq ans d'emprisonnement et de 900000 F d'amende , lorsque la publication, la diffusion ou la reproduction faite de mauvaise foi sera de nature à ébranler la discipline ou le moral des armées ou à entraver l'effort de guerre de la Nation.


Dans la déclaration de Munich (Déclaration des devoirs et des droits des journalistes de 1971), l'article 9 du paragraphe relatif à la déclaration des devoirs du journaliste demande de ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du "propagandiste".. Et là encore, je  me demande si la chaîne privée Nessma, se déclarant clairement et franchement comme "progressiste" et laïque, si elle était innocente de toutes fins de propagande en diffusant le dessin animé "PERSEPOLIS" seulement quelques jours avant les premières élections libre en Tunisie, élections où tous les sondages d'opinion de l'époque présentaient Ennahdha comme grand favorit.


Voici ici les chartes des journalistes de plusieurs pays du monde : Lien

Pour ne pas virer du sujet, je me repenche sur l'affaire d'un point de vue juridique plutôt que journalistique, et là je tombe sur l'article 383 du code pénal des moeurs en Belgique interdisant la diffusion de quelconque support portant atteinte aux bonnes moeurs du pays.


2. Les outrages publics aux moeurs
a. Article 383 du code pénal
Quiconque aura exposé, vendu ou distribué des chansons pamphlets ou autres écrits imprimés ou non, des figures ou des images contraires aux bonnes moeurs, sera condamné à un emprisonnement de huit jours à six mois et à une amende de vingt-six francs à cinq cents francs.
C’est le juge qui apprécie souverainement ce que sont les bonnes moeurs et ce qui y est contraire.
[L. 29 janv.. 1905, art. 1°, M.B. 4 févr. 1905 - Sera puni des même peines quiconque aura chanté, lu, récité, fait entendre ou proféré des obscénités dans les réunions ou lieux publics visés au § 2 de l'article 444.]
[L. 14 juin 1926, art. 1°, M.B. 21-22 juin 1926 - Sera puni des même peines : Quiconque aura, en vue du commerce ou de la distribution, fabriqué, détenu, importé ou fait importer, transporté ou fait transporter, remis à un agent de transport ou de distribution, annoncé par un moyen quelconque de publicité des chansons, pamphlets, écrits, figures ou images contraires aux bonnes moeurs ; Quiconque aura exposé, vendu ou distribué des emblèmes ou objets contraires aux bonnes moeurs, les aura, en vue du commerce ou de la distribution, fabriqués ou détenus, importés ou fait importer, transportés ou fait transporter, remis à un agent de transport ou de distribution, annoncés par un moyen quelconque de publicité]


De même, l'article 261 du code pénal Suisse prévoit de punir d'une peine pécunière (amende) quiconque aura offensé ou bafoué les convictions d’autrui en matière de croyance, en particulier de croyance en Dieu, ou aura profané les objets de la vénération religieuse :

Art. 261

(Atteinte à la liberté de croyance et des cultes)

Celui qui, publiquement et de façon vile, aura offensé ou bafoué les convictions d’autrui en matière de croyance, en particulier de croyance en Dieu, ou aura profané les objets de la vénération religieuse, celui qui aura méchamment empêché de célébrer ou troublé ou publiquement bafoué un acte cultuel garanti par la Constitution, celui qui, méchamment, aura profané un lieu ou un objet destiné à un culte ou à un acte cultuel garantis par la Constitution, sera puni d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus.