Robert Kaplan, qui a été grand reporter pour le compte
de plusieurs journaux américains, propose un essai stimulant et imposant (500
pages) sur la permanence géographique, intelligemment appelé La revanche de la géographie.
Reprenant à son compte la pensée de nombreux auteurs
anglo-saxons, et notamment MacKinder, il propose une analyse géographique du
monde autour de ses points saillants.
Ce livre ne vous emmènera pas au cœur de la géographie contemporaine, ni dans celui de la cartographie. Il vous mènera vers une des branches les plus balisées de la géographie, celle de la géopolitique, avec un regard trop souvent déterministe : à vouloir montrer que la géopolitique se base aussi sur des éléments naturels (déserts, montagnes, steppes), Robert KAPLAN semble porter l'idée que ces facteurs ont été longtemps oubliés et qu'ils sont devenus essentiels, voire déterminants dans les choix des acteurs politiques actuels.
“L’homme crée, mais c’est la nature qui commande.”
Cet axiome du début du xxe siècle est plus que jamais utile
pour appréhender les conflits à venir, estime Robert D. Kaplan.
Première partie
Intitulée « Les visionnaires », elle se
veut une critique acerbe de la vision idéaliste du monde portée par certains
milieux américains. Il montre comment l’idéalisme et le pacifisme ont conduit à
des guerres souvent désastreuses.
Fervent partisan de l'interventionnisme américain, Robert KAPLAN cherche à montrer que les États-Unis, pour rester la puissance dominante mondiale et pour garantir une 'pax americana' durable, doivent continuer à intervenir sur plusieurs champs d'opération, principalement moyen-orientaux mais aussi mexicain.
S'appuyant sur les travaux des principaux géopoliticiens du XX° siècle, KAPLAN commence son ouvrage par expliquer que la Guerre Froide est une période qui a vu la disparition, dans la tête des dirigeants, des repères géographiques au profit de l'idéalisme. Une logique qui, selon lui, a perduré jusqu'aux années 2000 et les guerres de l'ex-Yougoslavie.
Pour étayer ses propos,Kaplan nous livre alors une leçon d'histoire de la géopolitique, d’HÉRODOTE à SPYKMAN, en passant par MAHAN, HAUSHOFFER ou encore IBN KHALDOUN.
Logiquement, cette démonstration tend à montrer comment les États-Unis lisent le monde actuel : toujours au prisme de la puissance et de l'équilibre du monde autour du Moyen Orient et de ses champs de pétrole mais aussi autour du nouveau paradigme états-unien, celui de la menace chinoise dans le Pacifique.
Deuxième partie
Robert D. Kaplan. analyse dans la deuxième partie « La carte du XXIe siècle » l’Europe, l’Iran, l’Inde, la Chine, la Russie et
le Proche-Orient, montrant comment l’histoire et la géopolitique de ces pays
peuvent se comprendre par l’étude des cartes: de vastes fresques historiques à travers le temps revues dans les détails, et un certain
déterminisme géographique où la description des paysages semblent justifier a
posteriori l’attitude des peuples et des États. La vision du monde de KAPLAN qui ressort dans cette partie :
- L'Europe, "pôle majeur du monde post-industriel" se limite principalement à l'Allemagne et à la Grèce.
- La Russie est vue comme une marge mal intégrée à l'Europe. Une puissance qui reste continentale, terrestre.
- La Chine reste une puissance impériale en construction.
- L'Inde n'est qu'une puissance secondaire, divisée, peu menaçante.
- Le Moyen Orient se limite à quatre pays : l'Iran (porteur de modernité, de puissance), la Turquie, l'Arabie saoudite et Israël.
- Les États-Unis ne devraient pas détourner leur regard du Mexique, homme malade de l'Amérique, et surtout de la "frontera", zone dynamique qu'il ne faudrait pas clôturer afin de bénéficier ce son dynamisme.
- L'Amérique du sud et l'Afrique, comme le Pacifique ou l'océan Indien ne comptent pas ou si peu.
- Les États-Unis doivent s'inquiéter de leur déclin face aux autres puissances et que pour limiter ce déclin doivent être toujours interventionnistes que ce soit sur leur frontière mexicaine ou sur des champs d'opération plus lointains.
Troisième partie
Le dernier chapitre est consacré à une analyse de la
politique américaine et de son futur faite à l’aune de l’ouvrage de Fernand Braudel, La
Méditerranée à l’époque de Philippe II, ouvrage majeur de l’école des
Annales, publié en 1949.
L’ouvrage a le grand mérite de proposer une véritable réflexion sur le sens de la carte et du territoire. Alors que certains auteurs voient le monde comme plat et sans culture, uniformément intégré dans la mondialisation qui connecte les pays et les peuples entre eux sans tenir compte des reliefs, terrestres et culturels, Robert Kaplan démontre que le monde à un relief, un territoire, et que la géographie reprend souvent ses droits sur les tentatives avortées des constructions humaines. C’est un bel ouvrage pour apprendre à lire les cartes, à regarder les paysages, à comprendre l’importance des montagnes, des cols, des mers dans la politique des pays.
Références :